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Activités \ Improvisation, Performance

Emmanuelle Huynh/Erwan Keravec

S’il fallait trouver trois mots pour décrire la rencontre d’Emmanuelle Huynh et Erwan Keravec, ce serait : enfant, boléro, Japon. Relier ces trois mots n’est pas forcément évident. Emmanuelle a vu jouer Erwan dans Enfant de Boris Charmatz, Erwan a vu jouer Emmanuelle dans le Boléro d’Odile Duboc. Leurs premiers échanges ont été sur le Japon, Emmanuelle présentant la pièce Spiel avec Akira Kasai et Erwan jouant Inori de Susumu Yoshida. Mais peut-être est-ce une fausse piste pour comprendre ce qui va se passer ici.
S’il fallait trouver un autre mot pour caractériser le duo qu’ils vont présenter, ce serait: improvisation. Les deux artistes  vont se découvrir en même temps qu’ils vont se présenter au public. Dans l’improvisation, l’individu se révèle. Il y a des moments où il s’efface, d’autres où il s’affirme. Ce que fait l’un oblige l’autre à prendre position. C’est un peu de la politique. Une politique sans place convenue pour chacun, sans rôle prédéfini, un espace à définir sur l’instant, ensemble.

"Tous les chemins japonais mènent à la cornemuse !
Il y a quelques 14 années, alors que je suis en résidence à la Villa Kuoyama de Kyoto, je vois à Tokyo Kaiji Haino, musicien « fou » de la scène avant gardiste nippone, jouer d’une vielle trafiquée. Pour la (non-apparente )Berrichonne que je suis, le mélange de l’instrument du pays de Georges Sand et des amplifications/distorsions/cris que le guitariste nippon lui adjoignaient étaient tout à fait irrésistibles : comme toujours au Japon pour moi, le plus proche et le plus lointain à la fois. Je me suis dit que j’aimerais un jour danser avec un de ces instruments « ancestraux » à la lisière du folklore et de l’expérimentation sonore la plus pointue.
Parce qu’une fois légèrement déplacées de leur cadre traditionnel,ce qu’exprime leurs sonorités est des plus expérimental,inassignable et au fond étrange au sens où elles provoquent un sentiment d’ « étranger » plus que d’étrangeté. En même temps,elles recèlent aussi pour moi une part de doucereuse nostalgie, se et me rattachant à un pays imaginaire.
Elles ont une vertu instable qui me touche beaucoup.
Je croise en 2011 le chemin de Erwan Keravec, dangereusement suspendu par B.Charmatz,par un pied d’un coté, de l’autre accroché à sa cornemuse.
Nous parlons du Japon,de cornemuse et de danse dans le noir.
Quelques mois après, à l’initiative de Erwan, nous nous retrouvons en studio et là ce n’est pas d’un duo qu’il s’agit mais bien d’un trio : la cornemuse est un véritable corps en soi même et il faut bien sûr travailler avec sa force sonore mais tout autant et absolument avec sa présence physique et pneumatique elle même puissante
Pour travailler, nous improvisons en combinaison à deux : Erwan et moi , Erwan et son instrument, ou la cornemuse et moi puis à trois.
Quand Erwan joue, j’ai l’impression d’une machine ambulante inouïe au sens étymologique du terme : souffles, râles, chansons enfantines, dangereuses prémonitions, appels, cris, veillée, chants du dernier soir. La puissance sonore de ce corps Erwan-cornemuse est difficile à circonscrire et même « écrasé » sous le mien, la bête sonne encore !
Je ne sais de Kerawec ou de sa cornemuse qui est l’extension de l’autre : est ce un Erwan augmenté d’une panse vibrante et sonnante ou une cornemuse augmentée d’un corps humain ?
Je salue la témérité des 2 qui tour à tour, en trio avec moi, acceptent de disparaître sous le tapis du théâtre, de jouer les passe-murails, à cache-cache dans le noir, de supporter tout mon poids sur eux, de dangereusement fréquenter le bord scène au risque de basculer."

Emmanuelle Huynh